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Ni strass, ni paillettes: une histoire qui semble venir d’un film d’auteur

La première chose que Kristina me confie lorsque je m’assois dans son salon, à Montréal, est qu’elle a accès depuis toute petite à un monde imaginaire très développé. Elle se raconte plein d’histoires avec un souci du détail fou. Tous ses personnages ont un nom, une vraie identité. De son propre aveu, son imagination lui permettait, enfant, d’échapper à un contexte familial compliqué. Se retrouvant souvent livrée à elle-même, elle se créait des scénarios qu’elle tournait dans sa tête, sans caméra ni public pour assister aux projections.

C’est donc très tôt qu’elle a commencé à dessiner la carrière de réalisatrice qu’elle embrasse aujourd’hui.


Le cinéma n’est pas la seule passion qui anime Kristina. Très vite, elle me parle de la peinture qu’elle pratique comme hobby avant de me montrer l’une de ses créations, Nobody, qui représente un personnage sans visage. L’émotion que ce tableau provoque est forte, il m’interpelle beaucoup. Tandis que j’écoute Kristina, j’aperçois plusieurs petites fioles remplies de différents matériaux alignées sur le rebord de l’une des fenêtres. Intrigué, je lui demande ce qu’elles contiennent: ce sont des souvenirs qu’elle ramasse dans la nature lors de ses voyages et qui ont une grande valeur symboliques pour elle. Coquillages de Floride, morceaux de Pin des Laurentides ou encore petites pierres du Cap Breton : ils évoquent de jolie manière la diversité des mondes visités par l’artiste.



Sur les murs de son appartement sont affichés ici et là des Post-it de toutes les couleurs, chacun portant une réflexion ou une pensée philosophique. Je repère une très belle photo en noir et blanc entourée d’un joli cadre sur laquelle on voit une rue dans laquelle marche un homme, au loin, probablement dans un quartier industriel. J’apprends plus tard que c’est Kristina qui l’a prise. Posés sur une étagère, une radio style "Guetto Blaster" des années 80, une paire de vieilles jumelles ayant appartenu à son grand-père, quelques photos de famille et divers objets de décoration. Dans le salon, un piano droit, quelques instruments de musique, des livres et des jouets éparpillés sur le sol.


Kristina est mère de deux jeunes enfants, Julia et James, qui sont les fruits de l’amour qu’elle partage avec Jean-Sébastien depuis maintenant sept ans. Elle jongle entre sa vie de maman et l’écriture de ses films, les tournages, les montages, les rendez-vous avec les producteurs. Un quotidien intense et passionnant qui ne lui laisse pas beaucoup de temps libre.


Je peux sentir que son art est un besoin d’expression vital, qu’il est viscéral – et pas "juste" son métier. Kristina me confie que ses prochains films sont inspirés de sa relation avec sa mère : "C’est le plus grand défi de ma vie", me dit-elle. "Quand j’étais enfant, ma maman n’était jamais présente, je la cherchais obsessionnellement. Au moment de l’adolescence, je me souviens qu’elle était alcoolique et déprimée. Moi, je voulais la sauver. Aujourd’hui, après toutes ces années passées loin d’elle, j’ai réellement pu prendre de la distance. Même si ce sentiment de culpabilité existe encore, j’ai pour elle beaucoup de tendresse et me sens surtout plus en paix avec moi-même."


Kristina a quitté la Suisse à vingt-trois ans. Elle y étudiait les sciences de la communication à l’université de Lugano. Parallèlement à ses études, elle faisait partie d’un collectif de cinéma, le "Kino", qui lui permettait de réaliser des films avec zéro budget et de faire de nombreux voyages en Europe. Puis elle a rejoint le quartier général du collectif à Montréal au moment où celui-ci célébrait ses dix ans en organisant un projet de création sur dix jours. A cette période, la jeune femme ne savait pas encore très bien ce qu’elle voulait faire, même si l’idée de devenir réalisatrice occupait déjà ses pensées. Et voilà qu’une année plus tard, elle a obtenu son diplôme de réalisatrice dans une école de cinéma à Montréal.


A cette époque, Kristina n’avait pas encore obtenu sa résidence permanente et passait sa vie à faire de nombreux allers-retours entre la Suisse, Paris et Montréal où elle poursuivait ses réalisations de courts métrages indépendants.

Elle a fini par obtenir son permis de résidence en 2012, année lors de laquelle elle a rencontré Jean-Sébastien, puis traversé l’Océan Atlantique en paquebot. Ce qui devait être un simple voyage de recherches s’est finalement transformé en une quête symbolique qui l’a ramenée à Montréal pour y fonder sa propre famille.


Aujourd’hui, Kristina continue à développer son art et à présenter ses films. Son long métrage Sashinka a été nominé dans plusieurs festivals et dans différentes catégories dont: meilleure actrice, meilleur montage, meilleure chanson originale ou encore meilleure distribution des rôles. Elle commence donc à se faire un joli nom dans le milieu du cinéma canadien.


Je suis reconnaissant d’avoir pu passer quelques jours à suivre le rythme intense de cette femme sensible, passionnée, dotée d’un humour décalé et dont le parcours de vie sort carrément des sentiers battus. Kristina me touche profondément et sur plusieurs aspects me ramène à mon histoire personnelle.


A tantôt!

Nadir


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